Louve: Pluie

Pluie

Série : Louve, original de Kineko
Auteur : Kineko
Genre : Sérieux, urbain fantastique, loup-garou, crise de nerf
Couple : Louve+sourire sous entendu
Disclaimer : Sourire, Lande, Pluie et Louve sont à moi. Si vous ne laissez pas Pluie tranquille, ça va barder, alors le volez pas !

Ils sont là, sous la pluie.
C'est une pluie chaude, comme celle qui l'a vue naître, qui lui a donné son nom. Une pluie d'été qui sent l'humus et la forêt.
Les grands ne sont pas là, ils sont allés chasser, les laissant seuls tout deux. Elle ne sait pas chasser, elle n'a ni croc, ni griffe et gaspiller des munitions serait inutile. Et lui, il est resté pour la protéger, la garder.
Il ne veut pas la protéger, mais Sourire, leur chef de meute l'a ordonné ainsi et il ne peut désobéir. Alors il reste là, à l'abri sous ce grand arbre, aussi loin qu'il peut de la fille.
Elle est assise au pied de l'arbre, les yeux levés vers la pluie, et chantonne une chanson idiote, avec des mots d'hommes, qui parle de pluie, de bergères et de moutons. Il n'aime pas quand elle parle, parce qu'elle ressemble trop aux hommes comme ça, et il a juré de tuer tous les hommes. Peut être qu'un jour, quand les grands auront le dos tourné, il la tuera aussi. Mais, il ne peut pas le faire. Pas tant que les grands la regarderont comme la lune en personne. Pas tant que Lande, lui parlera, de sa voix basse et rauque, ses yeux d'or dans les siens, lui racontant les loups, lui racontant la lune. Pas tant que Sourire se pencheras sur elle pour sentir son odeur, ou la toucher parfois, pas comme il touche les louves et les femmes d'habitude. Une main sur l'épaule, sur le genou, sur la hanche quelquefois. Pas tant que Sourire aura ce drôle de sourire, qu'il n'a jamais eut pour personne d'autre, quand ils dorment tous en tas et que, dans son sommeil, elle se blottit contre lui
Et puis, il ne pourra pas la tuer parce que…
Parce qu'il l'aime autant qu'il la hait.
Parce qu'il se souvient d'avant, quand elle n'était qu'une fille des hommes perdue dans leur meute. Parce qu'il se souvient qu'elle a été comme une grande sœur, autant que Sourire est son frère, car comme lui, elle l'a guidé sur le chemin de la vie, lui montrant le monde des hommes et ce qu'il pouvait y aimer. Il se souvient quand elle prenait les louveteaux sur ses genoux, le laissait poser sa tête sur ses cuisses, et qu'elle leur racontait les contes des hommes et les chants de leurs enfants. Il a rêvé d'un chat botté malicieux, d'une princesse endormie au fin fond d'une forêt de ronces et qu'il viendrait délivrer, d'un petit chaperon rouge égaré, qu'il n'irait surtout pas croquer, mais qu'il entraînerait dans ses jeux. Un chaperon rouge qui ressemblait étrangement à la fille des hommes, toujours prête à s'amuser et à l'aimer.
Et malgré tout ses coups de crocs, ses injures, malgré toute les fois ou il la mord, il la repousse, il se souvient d'avoir dormi contre elle, protégé par sa présence, son odeur, comme quand il était louveteau entre les pattes de sa mère.
Et il voudrait retourner en ces temps là, il y a quelques mois à peine, ou sa plus grande préoccupation était de s'assurer une place décente dans la meute des jeunes. Il voudrait tant se réveiller entre son père et sa mère, se chamailler avec sa sœur, suivre Sourire comme son ombre, et s'endormir sur les genoux de la fille des hommes, au son d'une berceuse un peu bizarre, parlant de loup blanc, de loup noir, de loup vert et de loup gris.
Et il en a assez soudain. La chanson l'agace, les mots l'agacent, la présence de cette fille des hommes l'agace et cette drôle d'émotion au fond de lui, qu'il ne comprend pas, qui voudrait qu'il aille poser sa tête sur sa cuisse et se mettre à pleurer, l'agace aussi.
Il craint ce qu'il ne comprend pas, alors il se protège comme il peut de l'inconnu. Il se protège comme un loup apeuré en attaquant avant d'être attaqué.
En une détente, il a sauté sur elle, sans prévenir. Elle est surprise, mais elle réussit à l'esquiver. Pas tellement, mais au moins, ses mâchoires ne claquent que dans le vide.
Ca ne dure pas longtemps. Il roule sur elle, essaye de l'écraser sous son poids, mais elle est encore plus lourde que lui, et puis, elle lutte souvent contre Sourire, elle sait maîtriser un loup avec ses mains. Et Pluie crie, grogne, agite les pattes pour la repousser. Il mord aussi, mais il n'attrape que la peau de loup sur son dos, et elle n'est pas blessée. Et les cris continue. Inarticulés d'abord, des hurlements de loup blessé dans son cœur plutôt que dans son corps et puis des mots viennent, parce qu'il n'arrive pas à les hurler. Et il crie, fort, il crie vers la lune, vers les nuages, vers la pluie qui leur tombe dessus, maintenant qu'ils ont roulé loin de l'arbre. Des déclarations de haine, de cris de colère et des questions surtout. Pourquoi ? Pourquoi tout ça ? Pourquoi ils sont morts ? Pourquoi toi tu vis ? Pourquoi c'est arrivé ? Pourquoi je suis tout seul ?
Et il pleure aussi.
Il ne s'en aperçoit pas tout de suite, occupé à cracher tout ce qui l'étranglait depuis des mois, toute cette douleur qu'il accumulait, mais il a reprit forme humaine, cette forme qu'il déteste tant, mais la seule qui lui permette de pleurer.
Il ne s'en aperçoit que, quand, des heures plus tard, il a cessé de hurler.
Les grands sont revenus avec de la nourriture depuis un moment. Ils ne disent rien, ils préparent le repas, calmement, sans le regarder, ignorant sa crise de nerf pour préserver sa fierté.
Mais elle, elle est toujours là. Il a sa tête sur ses genoux, et elle lui caresse les cheveux. Elle chante aussi, il ne connaît pas cette chanson et puis, il faut avouer qu'elle ne chante pas très bien, mais son ton est paisible, les mots roulent doucement, et il s'endort à leur rythme.
Elle sent bon, sous la crasse, la poudre et le sang. Sa main est tendre, ses jambes confortables, ses mots qui l'agacent tant sont pourtant doux.
C'est un peu comme avant, même si ça ne redeviendra jamais comme avant.
Mais pour ce soir, juste ce soir, il fera comme si.
Parce qu'il n'aime pas les hommes, mais il l'aime elle.

FIN

[A la recherche du lapin blanc ] [Derrière le sourire]