Louve

Louve

Série : Original
Autrice : Kineko
Genre : Sérieux, urban fantastique, loup-garou, violence, space
Couple : Implication de romance hétéro si on regarde bien.
Disclaimer : Ils sont à MOI et si vous me les volez... Je les lâche, na.

Elle courait avec les loups.
Elle était humaine pourtant, fille des hommes, mais elle courait avec les loups, les prédateurs.
Son père avait été savant, perçu comme fou par ses collègues, persuadé de l’existence des garous. Elle avait vécu avec lui, se battant contre les enfants qui se moquaient de son père, l’assistant comme elle le pouvait dans ses recherches, ses voyages, sans trop croire le vieil homme. Mais il était son père, elle voulait qu’il ait raison. Elle voulait avoir tort quand elle doutait elle-même.
Et son père avait raison.
Mais les hommes ne le crurent pas. Pas tout de suite. Et il resta seul et ignoré, courant à la recherche des loups, et elle courant après lui, triste de le voir obnubilé, la délaissant pour ses biens aimés fauves.
Un jour il apporta la preuve. Celle qu’il cherchait depuis des années. Il la montra à sa fille, il la montra à ses collègues, il voulut la montrer au monde entier cette petite patte d'enfant, qui était celle d'un loup ou celle d'un bébé, selon la manière dont on la regardait. Il avait raison, il n’était pas fou, il savait où étaient les loups.
Et elle crut qu’ils allaient enfin cesser de courir.
Mais les hommes ne s’émerveillèrent pas. Certains eurent peur et s’empressèrent d’oublier le vieil homme, d’autres, avides de pouvoirs, voulurent les loups, voulurent en faire des soldats. Des soldats endurants, puissants, capables de se battre sans pitié. L’arme ultime pour les militaires, pour peu qu’on les dresse convenablement.
Le vieil homme comprit ce que voulaient ces hommes en uniformes et aux sourires froids. Il ne devait rien leur révéler, ils ne devaient rien savoir.
Mais il ne pouvait plus courir.
Alors il donna la preuve à sa fille, lui demandant de la détruire, puis lui disant de courir. Courir au loin, loin des hommes en uniformes, loin de leur folie meurtrière, courir vers les loups. Lui était trop vieux pour fuir, ils ne pourraient pas lui soutirer d’informations, mais elle, si jeune, elle devait fuir. Ils lui feraient du mal.
Alors elle courut.
Longtemps seule.
Et un jour, elle ne fut plus seule.
Elle trouva des loups, ou plutôt, les loups la trouvèrent. Des loups comme ceux que son père avait cherchés, des loups qui marchent debout.
Ils étaient une meute entière, une meute de loups aux pattes musclées, aux crocs acérés, une famille d’hommes aux longues jambes, aux regards fiers et hautains devant elle.
Ils l'accueillirent avec méfiance, parce que leur shaman l'avait demandé, parce qu'elle était importante disait-il, sans savoir comment exactement.
Elle courait derrière les loups, chassant avec la meute, laissant les louveteaux lui mordre les jambes et les bras, se défendant contre les jeunes qui la voulaient comme compagne, écoutant au coin du feu, les légendes que l’Ancien contait aux jeunes, les chants dédiés à la lune.
Elle leur montra ce qu'elle savait, elle raconta ses propres contes aux louveteaux, apprit à lire au fils du shaman, aidant les jeunes dans leurs razzias sur les réserves humaines, ouvrant les portes ou volant avec eux nourriture et vêtements.
Elle reçut son nom, celui qui remplacerait le sien que personne n'avait utilisé depuis des mois.
Oublié le nom de Léto, tiré d'une ancienne mythologie où les hommes et les dieux devenaient animaux quand bon leur semblait.
Elle devint la Fugitive.
Celle qui court.
Elle les suivait.
Mais les militaires la retrouvèrent, et trouvèrent les loups avec elle.
Et la meute fut détruite par la folie des hommes.
Elle courut à nouveau, mais cette fois vers les hommes, hurlant comme les loups, une arme à la main. Elle les frappa, et mordit, elle pleura tout en blessant sa propre race.
Elle lutta pour venger sa meute. Celle qui avait été sa deuxième famille.
Puis elle se remit à courir, avec les survivants. Une poignée de jeunes loups, certains encore des enfants, minuscule meute vouée à la disparition, faute de femelle.
Avec Pluie le jeune loup qui jura de ne jamais redevenir humain. Avec Sourire, le loup noir au rictus perpétuel, parfois cruel parfois tendre, fils du chef de meute. Sourire qui promit à l’Ancien de prendre soin des survivants, d'être leur alpha, seule assurance qu’il resterait avec eux. Et avec Lande. Lande le loup blond, le jeune shaman, Lande dont la beauté faisait se tourner les femmes où qu’ils aillent. Lande sage au-delà de ses années, qui réclamait autant la vengeance qu'eux, mais pas plus. Une vie pour une vie.
Et elle. Presque louve, mais toujours humaine, courait avec eux.
Lande lui avait donnée la peau de l’Ancien, qu’ils avaient écorché après sa mort. Une peau de poils rouge, lourde et puante. Elle la portait sur son dos, la tête recouvrant la sienne et parfois, au plus profond des batailles, elle se croyait devenir louve. Lande lui avait dit que la peau la protègerait. De quoi ? La peau n’empêchait pas Pluie de la mordre quand elle était trop humaine, elle n’arrêtait pas la douleur quand elle tombait ou se cognait.
Ils couraient, non plus pour le plaisir, pour satisfaire la lune. Ils couraient au devant des hommes, les crocs au clair, le nez vers le ciel, faisant retentir leurs chants de guerre contre les hommes. Ils volaient pour vivre, n’hésitant pas à tuer les soldats qui s’interposaient. Ils couraient dans la montagne, dans les plaines, dans les rues des villes la nuit. Ils faisaient de la vie des hommes un enfer.
Et elle riait, parfois en courant, faisant se tourner Sourire, gronder Pluie qui n’aimait pas la voix humaine. Elle riait, petit chaperon rouge qui avait préféré les grands méchants loups aux hommes civilisés.
Un jour, elle trouva un des hommes, un de ceux qui avaient exterminé la meute, qui avait tué les sœurs de Sourire, les parents de Pluie, et tous ces autres loups, qui n'étaient pas de leur sang, mais qu'ils appelaient frère, parce qu'issus de la même meute et capable de se battre pour elle.
Elle ne l'avait pas cherché, la lune, déesse des loups debout, l'avait probablement mis sur son chemin.
Il la reconnu, malgré ses cheveux rouge et son air de sauvageonne et la peau sur ses épaules qui lui faisait un capuchon sanglant.
Il la reconnu et lui offrit l'absolution, le pardon, le retour à l'humanité, de l'argent, son père, même, il le lui rendait, si elle acceptait de lui parler des loups, de dire où se cachaient les survivants et de les lui livrer.
Elle n'hésita que quand il mentionna son père.
Mais elle blinda son cœur et secoua la tête, et puis, parce qu'il avait fait l'affront de la prendre pour une traîtresse, elle le frappa au visage, si fort que ses os craquèrent.
Et elle frappa, encore et encore, vomissant des mots de haine, prononçant toutes les malédictions que Lande et le Shaman lui avaient apprises, jusqu'à ce qu'il cesse de bouger, qu'il arrête de respirer, jusqu'à ce qu'elle ait teinté ses mains et ses pieds du sang de cet homme.
Et puis, levant la tête vers le ciel, où la lune se levait, un parfait croissant blanc dans la voûte noir, elle lui offrit ses paumes sanglante et renia ce qu'elle était, renia ce que les hommes appellent l'humanité, implorant la lune de faire d'elle une louve, ce qu'elle avait toujours désiré, au fond d'elle.
Quand elle revint près de sa meute ce soir là, encore poisseuse de sang et puant le sel des larmes et de la sueur, Lande lui sourit en l'appelant sœur.
Il était temps, déclara-t-il autour du feu, que les hommes craignent les loups. Il était temps de les faire payer. Une vie pour une vie. Un assassin tomberait pour chaque loup tué.
Sourire acquiesça, ses crocs si blancs dans son sourire de babines rouge et de fourrure noire.
Pluie hurla de joie, le moment qu'il souhaitait tant enfin venu, le signal du shaman pour la chasse à la seule proie qu'il convoitait.
Et quand ils se tournèrent vers elle, attendant son avis, demandant ce qu'elle voulait, la vengeance ou la fuite, elle ne recula pas.
Elle se leva en souriant, montra ses mains rouge et déclara elle aussi qu'elle suivrait la chasse.
Elle courait avec les loups et elle court toujours.
Mais maintenant, elle est l’une d’entre eux.

Fin

[Plus tout à fait une femme, pas encore une louve ]